Ils sont merveilleux nos jeunes enfants, ils sont si intensément dans l’instant présent !.. De véritables maîtres de pleine conscience !
Oui mais voilà, parfois on aimerait qu’ils soient aussi capables d’anticiper l’instant d’après…. Histoire de partir à l’heure !
À d’autres moments, les rôles s’inversent lorsqu’ils ne vivent que dans l’attente d’un moment qui tarde à se venir : « Et maintenant, c’est l’heure du gôuter ?? Non mon chéri, là c’est l’heure se coucher ! » ou l'éternel « C’est quand qu’on arrive ? ».
La notion de temps est une notion très abstraite et qui fera l’objet d’un apprentissage progressif dans les premières années de notre enfant. Sans parler des compétences qui y sont liées : savoir différer, être capable d’attendre son tour…
Alors comment conjuguer au mieux leur talent à vivre l’instant présent et les contraintes horaires du quotidien avec de jeunes enfants ? C’est la question que me posent de nombreux parents qui voudraient profiter du temps avec leurs jeunes enfants (parce qu’après tout, ça passe tellement vite !!).
Dans cet article, je vous propose quelques rapides repères sur l’acquisition de la notion de temps pour vous permettre d’ajuster vos attentes vis à vis de vos enfants et vivre sereinement les décalages qui ne manquent pas de se produire. Mais surtout, je vous propose des outils pour les accompagner dans ces apprentissages, en respectant leur rythme et leurs envies.
La notion de temps : un long apprentissage
Avant 3 ans, un enfant n’appréhende pas facilement la notion de temps, comme beaucoup d’autres notions abstraites d’ailleurs. Le repérage dans l’espace (dessus/dessous, près/loin, …) précèdera l’acquisition de la notion de temps.
3 ans : l’âge charnière pour comprendre la notion de temps.
Pour autant, il n’est pas question d’éluder cette question : si les choses commencent à prendre forme pour eux après 3 ans, c’est bien grâce à toutes les expériences qui auront précédé ! Pendant cette période, l’adulte joue un rôle essentiel en utilisant un vocabulaire précis pour parler du temps même avec de tout jeunes enfants.
Première étape : l’ordre des événements (avant/après)
L’entrée dans la notion de temps se fait au travers de la séquentialité, c’est à dire l’ordre des moments et leur positionnement les uns par rapport aux autres : « en même temps », « avant », « après ».
Des activités pour se familiariser avec l’ordre des événements
Pour accompagner votre enfant dans cet apprentissage, il existe des activités dans lesquelles il s’agit de remettre dans l’ordre les séquences d’une courte histoire ou encore de trouver la séquence manquante (plus difficile). On en trouve régulièrement dans les magazines de la presse jeunesse destinés aux plus jeunes et dans les cahiers d’activité de cette tranche d’âge. Il en existe également des versions partagées sur la toile et les réseaux sociaux par des instits qui les appellent « images chronologiques » ou « images séquentielles.
Au-delà de la notion de temps, ces activités permettent de développer l’organisation logique de la pensée : je suis capable de classer les événements parce que je perçois des conséquences. Par exemple, pour reprendre le genre de scènes classiques de ces supports d’activités, le moment où la petite fille en pyjama s’endort dans son lit succède nécessairement à celui où elle a enfilé son pyjama.
Les clés pour se faire comprendre
Au quotidien, pour faciliter la communication avec un enfant qui fait ses débuts dans la compréhension de cette notion complexe, mieux vaut se référer à l’enchaînement des moments de la journée en respectant l’ordre de leur déroulement.
A ce stade, un enfant comprendra mieux « Brosse d’abord tes dents et ensuite nous lirons l’histoire » que « on lira l’histoire quand tu auras brossé tes dents »
La différence est subtile pour nous adultes mais la première version est bien plus compréhensible pour un enfant que la seconde car on prononce bien « brosser les dents » avant « lire une histoire ».
Deuxième étape : appréhender les cycles et accéder au « temps social »
Peu à peu, l’enfant va être capable d’appréhender le déroulement du temps dans des unités « cycliques », c’est à dire qui se reproduisent plus ou moins à l’identique d’une fois sur l’autre. C’est le cas par exemple des journées ou des saisons.
Activités pour se repérer dans les cycles (journée, année, …)
En parallèle des activités de mise en ordre de situations, proposer à l’enfant des disques sur lesquels repérer les différents moments de ces « cycles » lui permettra de muscler sa compréhension du temps qui passe. Au-delà de l’aspect logique, c’est la dimension cyclique de l’enchaînement des moments qui sera développée.
Chez vous, vous pouvez opter pour une version disponible dans le commerce ou vous inspirer d’un DIY pour une version personnalisée. Concrètement, il s’agit d’un cercle de papier cartonné sur lequel sont repérés les moments de la journée ou les mois de l’années regroupés en saisons.
Comment utiliser un disque de la journée ou des saisons
- Prévoyez un système de repères pour votre disque. Deux solutions sont possibles. Vous pouvez utiliser une aiguille fixée au centre à l’aide d’une attache parisienne que l’on utilise pour pointer vers le moment de la journée (utilisation en « horloge »). Si vous préférez, servez-vous d'une pastille repositionnable ou d'un aimant (sur support compatible) à positionner sur le moment de la journée
- Accrochez le disque sur un tableau ou un mur accessible de votre enfant.
- Quand l’enfant le demande ou pour l’aider à passer d’un moment de la journée à l’autre (aller à la sieste par exemple), accompagnez-le devant le disque pour lui faire placer le repère au bon endroit et identifier le moment qui suivra.
Parce que les événements se succèdent plus rapidement sur un disque de la journée que sur celui des saisons, il sera plus apprécié des plus jeunes qui aiment voir que « ça avance ». Utilisé au quotidien, le disque de la journée est aussi utile à un enfant de 3-4 ans qu’une montre pour un adulte.
Les clés pour se faire comprendre
Quand les questions « c’est quand que…. » reviennent en boucle, prendre un instant pour se repérer sur le disque de la journée pour ensuite observer où se situe le moment tant attendu (le goûter, l’heure de retrouvailles en famille, …) donnera à votre enfant des repères concrets et précis. En principe, cela permet de mettre en pause la question qui revenait en boucle quelques instants plus tôt !
Au fil du temps, il se repèrera de plus en plus facilement dans la journée et appréciera ce sentiment de « maîtrise » que lui confère le fait de connaître à l’avance les prochaines étapes de sa journée.
Vers 4 ans, il comprendra avec plus de facilité la succession des journées et maîtrisera peu à peu des repères comme « aujourd’hui », « hier » et « demain ». En complément d’un disque de la journée, proposer un semainier permettra de repérer des journées-types (les week-end, les journées chez la nounou, …) et leur régularité. Du point de vue d’un enfant, la nuit est ce moment charnière où l’on passe comme par magie d’un jour à son lendemain. D’où cette astuce de nombreux parents à compter les jours en fonction du nombre de « dodos » : « encore deux dodos et c’est le week-end ! »
Activités pour percevoir le temps qui passe
Observer la croissance d’une plante ou d’un animal permettra d’accéder peu à peu à de plus grandes échelles de temps que celle de la journée : la graine qui germe, l’oeuf qui éclot puis le poussin qui grandit peuvent être de précieux alliés dans cet apprentissage.
Percevoir le temps qui passe c’est aussi pouvoir se raconter son histoire personnelle
Peu à peu, l’échelle de temps que l’enfant est capable d’appréhender dépasse la journée, puis la semaine, les mois et les saisons. Quand on arrive aux années (4 saisons) et à leur succession, l’enfant va pouvoir appréhender le temps de son histoire personnelle. Il y a d’abord le jour de sa naissance et les anniversaires qui reviennent chaque année à la même saison. Mais il va aussi s’intéresser à ce qui a précédé : quand le grand frère ou la grande soeur est né(e), quand papa et maman étaient petits, quand manou allait à l’école, …
Petit à petit, les frontières et limites du temps que l’enfant est capable de percevoir et situer s’étendent. Pour donner quelques repères, on estime qu’à partir de 5 ans un enfant est capable de mémoriser et d’anticiper les événements. C’est vers 6 ou 7 ans que la notion de temps sera maîtrisée complètement.
Visualiser le temps qui passe et déterminer à quoi on veut le consacrer
Dans beaucoup de familles que j’accompagne, j’entends souvent « il/elle traîne », « il/elle met des heures à se brosser les dents et on n’a plus de temps pour l’histoire » ou encore « il joue au lieu de s’habiller ». Dans le choc culturel qui oppose parfois les parents aux enfants, la question de savoir à quoi souhaitons nous passer le plus de temps est cruciale. Se familiariser avec la notion de temps impliquera également de mesurer que le temps n’est pas infini. Le temps que l’on passe à faire quelque chose ne pourra plus être passé à faire autre chose ! C’est le grand drame que vivent nos enfants dans les routines du quotidien.
Là encore, il existe des outils pour les accompagner. Les time-timer et les sabliers sont les plus polyvalents et pratiques.
Des outils pour visualiser le temps qui passe et respecter le timing
Les time-timer sont ces minuteurs qui ont pour caractéristique de présenter en rouge le temps qu’il reste. L’enfant peut alors voir la « part » de rouge diminuer progressivement. Vous pouvez retrouver une belle infographie de Hoptoys sur le time-timer ici. Comme les sabliers, ces outils sont utiles pour les moments de compte-à-rebours (le temps qu’il nous reste avant de…) et pour optimiser le temps dont on dispose (on devra avoir fini lorsque le temps sera écoulé) . Sablier et time-timer sont disponibles sous forme d’applications (souvent gratuites), ce qui évite de s’encombrer et permet de les avoir facilement à portée de main à la maison ou en dehors.
Ils sont très utiles pour gérer des situations du type :
- « On joue encore 10 minutes et puis on passe à table quand le temps sera écoulé » ou « Quand le temps sera écoulé, vous sortirez du bain »
- « Le train arrive dans 10 minutes. Regarde et tu verras que petit à petit le temps s’écoule. Quand il n’y aura plus de rouge, nous entrerons en gare » ou « Notre rendez-vous est dans 5 minutes. Tu veux surveiller le temps qu’il reste ? »
- « On doit avoir fini de se brosser les dents avant les 3 minutes pour profiter d’une longue histoire »
Une musique appréciée des enfants ou particulièrement entraînante joue le même rôle, en permettant également de « visualiser » le temps imparti. Cette alternative est très efficace pour le brossage de dents, le rangement des jouets, …
Vivre une année avec une poutre du temps Montessori
La poutre du temps et un support pédagogique issu de la pédagogie Montessori. On appelle « poutre » cette longue frise qui matérialise une année entière sur une seule ligne. Elle contient donc les 365 jours d’une année. Concue sur le mode des calendriers perpétuels (valables quelle que soit l’année), elle peut être complétée par les jours du mois, les saisons, …
Au cours de l’apprentissage de la notion de temps, la poutre du temps permet à l’enfant
- de repérer l’instant présent (le jour)
- et de se situer à plus ou moins grande échelle par rapport aux événements passés ou prévus.
Au moment de l’installation, on pourra donc y positionner quelques repères comme les anniversaires, les fêtes, la rentrée des classes ou la fin de l’année scolaire, …
Chaque jour, l’enfant coche ou colorie la case du jour et visualise la succession des jours et l’année en train de se dérouler.
Vivre une année avec une poutre du temps est une belle expérience à vivre avec de jeunes enfants. Même pour les plus jeunes, qui peinent encore à repérer l’heure du goûter, cocher ou colorier jour après jour une case de plus et voir s’étendre le nombre de cases colorées est un véritable émerveillement. Au début, on se demande si on arrivera un jour à la dernière case mais de semaine en semaine, on constate que les repères placés dans l’année (les vacances, les visites d’amis, …) semblent se rapprocher. On compte les jours sur de courtes échéances pour aider le plus jeune à patienter jusqu’à mercredi. On voit plus loin avec l’aîné qui espère les vacances d’été.
À l’heure où j’écris cet article, nous tenons toujours le compte des jours avant Noel, soit 332 pour être précise !
Vous trouverez facilement des « printable » pour réaliser chez vous votre propre poutre du temps. Les éditeurs qui proposent une collection Montessori en proposent également dans des livres-coffrets (Nahtan, Hatier Jeunesse). Le plus dur est de trouver un mur disponible pour l’accrocher ! Fait-maison ou acheté, ce sont d’ailleurs de belles idées de cadeaux pour les parents de jeunes enfants (3-6 ans / maternelle).
Au delà de la notion de temps, avoir une poutre du temps chez soi le temps d’une année (ou plus si affinités !) permet de valoriser les rituels et fêter les étapes et anniversaires. On se souvient des moments passés et on attend avec plaisir les prochaines étapes.
Les compétences qui se construisent avec la notion de temps
Etre capable de patienter dans une file d’attente, attendre son tour au jeu de l’oie et savoir respecter celui des autres sont autant de compétences (on les appelle « habiletés sociales ») qui sont essentielles pour vivre des relations harmonieuses avec les autres, notamment à l’école. Elles sont étroitement liées à l’acquisition de la notion de temps. Là encore, 3 ans est un âge charnière. Ces habiletés nécessitent de tolérer le délai (après 1 an) mais aussi la frustration dans une certaine mesure (à partir de 2 ans 1/2 - 3 ans). C’est plutôt vers 4 ans qu’un enfant pourra facilement et volontairement se retenir de faire quelque chose, le pré-requis pour pouvoir patienter !
Dans la vie de tous les jours, ses compétences permettront peu à peu à l’enfant d’être capable d’attendre son tour pour parler ou pour jouer.
Pour accompagner nos enfants dans ces apprentissages, on pourra par exemple utiliser les jeux de ballons (on le lance et on le rattrape à tour de rôle) ainsi que tous les jeux simples impliquant des tours de rôles, connus ou inventés pour l’occasion :
- Le chef d’orchestre
- La clé de Saint Georges
- Construire une tour en ajoutant chacun une brique à la fois.
- Ce jeu où l’on met à tour de rôle sa main sur celle de l’autre et où l’on recommence à l’infini en retirant sa main du dessous de la « pile ».
A l’oral, on pourra marquer l’alternance des tours avec des « à toi / à moi » pronconcés avec insistance.
Dans des situations de jeu avec les enfants, faire parler les personnages (figurines, poupées, …) et mettre en scène leur impatience, les règles évoquées et surtout leur capacité à gérer la frustration d’attendre son tour plaisent énormément aux plus jeunes enfants, aux prises avec leur apprentissages (même avant 2 ans).
Il est également possible d’instaurer des « codes » qui aident les plus jeunes à patienter. Par exemple, tenir le poignet de celui qui voudrait prendre la parole alors qu’on écoute un autre enfant pour lui signifier qu’on l’a remarqué mais qu’on attend le moment de lui donner la parole.
C’est une fois que votre enfant aura saisit le principe du tour de rôle qu’il sera plus facile de jouer à des jeux de société ou de patienter dans diverses situations du quotidien.
Au-delà de la complexité de la notion de temps, les compétences qui lui sont liées en font un apprentissage à la fois élémentaire et essentiel.
En résumé : Les 4 outils essentiels pour aider les enfants à appréhender la notion de temps
- Un time-timer ou un sablier
- Un disque de la journée, avec l’alternance jour-nuit et les routines
- Un semainier avec les journées-type
- Une poutre du temps
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L’auteure : Je suis Céline Syritellis, je suis coach parental. J'ai créé Paizi pour aider les parents à résoudre les petits et grands problèmes du quotidien avec leurs enfants, pour profiter du quotidien et (re)trouver le bonheur simple des moments partagés avec les enfants.
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Crédit Photo : Céline Syritellis / Paizi