Quel jeune parent n’a pas entendu cette petite phrase prononcée par une personne plus âgée, plus expérimentée et pour laquelle les affres de la vie de parents de jeunes enfants étaient déjà bien loin ?
Avec un bébé au bras et éventuellement un ou deux aînés à ses côtés, la remarque peut laisser perplexe : « Profiter de quoi au juste ? ». Quand on se lève une à plusieurs fois la nuit, qu’il faut enchaîner le tunnel des soirées (bain/repas/coucher) et essuyer les «crises» des premières années, on a parfois du mal à voir comment « profiter ». A un stade où le premier mot qui nous vient à l’esprit après avoir fermé la porte de leur chambre est « ouf ! », on aurait plutôt tendance à se demander « mais qui profite de qui ?? ».
Profiter de quoi au juste ?
Alors profiter d’eux comme si le temps était compté avant qu’ils ne quittent le nid familial, nous laissant bras ballants ? Cela peut-il être une clé pour envisager autrement ce quotidien si intense ? Ça vaut peut être pour ceux qui ont encore la tête hors de l’eau et le recul nécessaire. Mais pour les autres ?
Quand la logistique nous semble prendre toute la place, que tout le temps est occupé par les rituels et routines : « pipi-les-dents-au-lit » ; lavage de mains ; …
Certains laisseraient volontiers à d’autres ces « passages obligés » de la journée d’un enfant.
D’autres ont un temps idéalisé ce même quotidien : les repas - faits maison bien entendu - seront un régal des papilles, chaque changement de couche une occasion de massages et babillages exaltants, la toilette un moment complicité au milieu de bulles de savon, …
Mais combien sommes-nous aujourd'hui à constater, non sans culpabilité, l’écart qui s’est creusé entre l’idée que nous étions faite la vie avec les enfants et le quotidien tel que nous le vivons aujourd’hui ?..
Et les choses ne vont pas en s’arrangeant quand la fratrie s’agrandit. Avec des enfants d’âge rapproché, difficile d’accorder au second (et ceux qui suivront encore) l’attention sans limites que l’on a consacrée à l’aîné.
Il faut reconnaître qu’en tant que parents, les diverses réjouissances des premières années sont parfois un véritable hold-up sur nos soirées et notre temps libre. Lorsque les périodes plus difficiles s’éternisent, on finit par y perdre toute notre patience et notre capacité de recul. Et on se surprend à se demander quand est-ce qu'on va (enfin) passer à autre chose...
Un quotidien énergivore pour les parents mais tellement essentiel pour les enfants
Seulement voilà, si ce quotidien peut prendre l’allure d’une course infernale pour les parents il n’en est pas moins essentiel pour les enfants. De leur côté, ils vivent à 500% chacunes de ces étapes qui sont autant d’occasions de jouer, d’apprendre mais aussi de profiter du temps avec leurs parents ou les adultes qui prennent soin d’eux. Jusqu’à l’entrée à l’école primaire, la quasi totalité du temps passé avec nos bambins après une journée de travail peut nous sembler (à juste titre) consacrée à ces « obligations » : le repas et sa préparation, le bain mais aussi le brossage de dents, les couches à changer ou le détour par les toilettes ne sont pas si rapidement expédiés avec les plus jeunes. A l'heure où notre énergie décline, on aimerait bien trouver le bouton "off".
Profiter du quotidien avec des enfants ? Oui, c'est possible
#1 Faire la part belle au jeu
Pour beaucoup de parents, gérer la routine quotidienne peut lasser. Lorsqu’elle se répète à l’identique d’un jour sur l’autre voire qu’elle est source de tensions à la maison, on finit par considérer chaque étape comme des obstacles à franchir avant d’accéder enfin aux moments qui nous semblent vraiment valoir la peine (une sortie, la lecture de l’histoire du soir,…). On court alors le double risque de passer à côté de l’essentiel pour nos enfants et de s’installer dans un rapport de force, une opposition frontale systématique avec des enfants qui hurlent qu’ils ne veulent pas aller au bain et qui recommencent quand il est l’heure d’en sortir…
C’est le psychothérapeute américain Lawrence J. Cohen qui explique dans son ouvrage "Qui veut jouer avec moi" comment une éducation qui fait la part belle au jeu peut être une source d’épanouissement pour l’enfant, qu'il s'agisse de développer la confiance en soi, découvrir le monde et ses rituels ou tout simplement de nourrir ses besoins affectifs.
Pour nous parents, le jeu est une clé précieuse pour profiter du quotidien avec les enfants en laissant de côté les rapports de force.
"Il ne veut faire que jouer"
En tant que mère, je suis convaincue que le jeu est un moyen terriblement efficace pour changer notre vécu du quotidien, nourrir les besoins de nos enfants… et même arriver à nos fins plus facilement. Des parents que j’accompagne me demandent comment s’en sortir avec un enfant qui « ne veut rien faire d’autre que jouer ». Qu’à cela ne tienne ! Notre énergie de parents gagne souvent davantage à être consacrée à les prendre à leur propre jeu plutôt qu’à lutter contre cet élan de l’enfance.
Il veut jouer plutôt que s’habiller ? Faisons de l’habillage un jeu ! Regarder cette étape sous un autre jour peut aider notre enfant dans ses apprentissage, lui permettre de gagner en autonomie sans compromettre le timing quand il faut partir à l’école dans la foulée.
Et tous les jeux sont permis ! Les limites sont celles de notre imagination.
Pour 69% des français, être créatifs fait d'eux de meilleurs parents.
Lorsqu’on interroge les parents, ils sont 69% à estimer qu’être un parent créatif fait d’eux de meilleurs parents (Etude Adobe « State of create 2016 »). Et pour cause, une dose de créativité nous sort souvent d’un mauvais pas, qu’il s’agisse de s’installer dans la poussette ou s’atteler aux devoirs !
Sans compter que la quasi totalité des tâches du quotidien sont autant d’occasions de passer du temps de qualité avec nos enfants.
Il peut s’agir des activités les plus simples, qui permettent de se connecter avec son enfant sans prise de tête. Toute rébarbatives qu’elles peuvent paraître, même les tâches ménagères sont autant d’occasions de passer du bon temps avec son enfant, pour peu qu’on s’y attèle avec un enthousiasme communicatif. C’est une question de regard : le tas de linge sale peut se transformer en un tas de sable que les bras de votre enfant-pelleteuse pourront décharger dans la bétonnière-machine-à-laver.
Et pour changer de regard sur notre quotidien, quel meilleur maître que notre enfant lui-même ?
#2 Enchanter le quotidien
Mettre un peu (beaucoup) de magie dans notre quotidien est sans doute tout aussi essentiel pour nous-même que pour nos enfants.
Avez-vous déjà testé l’effet d’un dîner aux bougies avec vos enfants ? Ce moment de la fin de journée vous paraîtra transfiguré : la lumière, le ton des voix, les reflets dans les yeux, les perceptions qui changent. Programmez-le une fois dans l'année, ils vous le réclameront souvent par la suite.
Lancez la lecture de l’histoire du soir sous une cabane improvisée, à l’aide d’une lampe de poche et vos enfants seront comme transportés dans l’aventure que vous leur racontez.
Une autre façon d’enchanter le quotidien est de célébrer à l’envi les temps forts qui ont de l’importance pour votre famille et ceux qui la composent.
Vous vous demandez quoi célébrer dans cette course infernale ?
Pourquoi devrions-nous réserver les bougies aux seuls anniversaires?
Bien sûr, il y a les anniversaires. Mais pourquoi s’en tenir aux années supplémentaires ? Rien n'interdit de fêter les demi-années, ou même les mois (les "mensuversaires" ?) pour le benjamin de la famille ! Quand on dit "célébrer", on ne parle pas d'offrir un cadeau à tout prix. Une jolie pastille autocollante dans le calendrier familial, un petit mot sur l'oreiller ou dans la boîte à gouter suffisent souvent à réjouir les enfants. Une jolie madeleine surmontée d’une bougie qu’on apporte quand les lumières sont éteintes illuminera les regards ! Et quelle meilleure façon de leur permettre d'apprivoiser à leur rythme la notion de temps ?
Profitons aussi des nouvelles acquisitions, même les plus petites, qui gagnent à être célébrées. C’est une façon de cultiver la confiance en soi de l’enfant en privilégiant non pas tant les résultats obtenus que les efforts et les qualités mises en oeuvre. Votre enfant vient de terminer son premier repas sans les doigts ? Demandez-lui de prendre la pose pour immortaliser ce moment : il se prêtera au jeu fièrement !
Pour nous parents, prendre le temps de souligner par ces petites attentions l'évolution des enfants nous permet à notre tour de prendre conscience du chemin parcouru et rester confiant là où ça cafouille encore...
#3 Exprimer sa gratitude
Exprimer sa gratitude rend heureux. C'est ce que démontrent les études de plus en plus nombreuses dans le domaine de la psychologie positive. L'ouvrage de R. Emmons sobrement intitulé "Merci!" nous donne les clés et partage les rituels d'un état d'esprit propice au bonheur. Bonne nouvelle : les moments les plus ordinaires du quotidien nous offrent des dizaines d’occasions de nous sentir reconnaissants !
Exprimer sa gratitude permet d’adopter un autre regard sur la vie et ses événements. Il s’agit de se concentrer sur le positif, d’exprimer sa reconnaissance et parvenir à se satisfaire de ce que l’on a.
Concrètement, on fait comment ?
Établir des rituels permet de se poser et prendre le temps de rechercher ce envers quoi nous sommes reconnaissants. Si les premières fois ne nous semblent pas très naturelles, notre cerveau se reconfigure très vite pour en faire un réflexe. Il est possible de prendre l'habitude d'y consacrer un moment particulier de la journée, que ce soit lors du dîner ou au moment du dernier bisou avant d’éteindre la lumière. Pour d’autres, cela peut prendre la forme de la tenue d'un journal. On pourra alors y consigner le plus régulièrement possible ce qui suscite en nous un sentiment de gratitude.
En famille, ce rituel pourra par exemple se matérialiser sous la forme d’un grand pot dans lequel on glisse chaque jour un petit papier sur lequel on a consigné une raison de se sentir reconnaissant. Un deuxième effet garantit à la relecture des petits papiers quand vient le moment de vider le pot pour recommencer. Quand on se sent reconnaissant d’avoir autant de raisons de se sentir reconnaissant, c’est que l’habitude est bien ancré et ses bénéfices déjà féconds !
La vie avec de jeunes enfants offre des dizaines d'occasion de se sentir reconnaissant : le spectacle déniché en dernière minute et pour lequel on a pu avoir des places, la pluie qui s'est arrêtée le temps de ramener tout le monde de l'école sans se tremper ou encore les restes de boeuf bourguignon qu'on a eu la bonne idée de congeler pour un prochain WE chargé...
J'ai fait du petit mouton de Jennifer Darymple, mon maître en gratitude. Le bienheureux se réjouit longuement du cadeau reçu sans même considérer qu'il puisse contenir quelque chose de plus... Il y gagne une occasion supplémentaire de se réjouir...
Un petit mouton, maître en gratitude : Tchà
Profiter du quotidien permet de resserrer les liens et d'optimiser chaque instant partagé avec nos enfants.
Peut être est-il temps de laisser de côté la culpabilité de ne pas disposer de suffisamment de temps à partager avec nos enfants ? Nous pourrons alors nous réjouir des occasions précieuses que nous offrent les premières années de nos enfants. En tant que parents, nous attendons souvent avec impatience la prochaine étape : quand il fera ses nuits, quand il rentrera à l'école, quand il saura lire... N'attendons pas qu'une étape soit définitivement derrière nous pour en savourer les petites joies qu'elle recelait...
Dans sa préface à la traduction française du livre de Lawrence J. Cohen, la psychologue Isabelle Filliozat, l'une des références françaises du courant de l'éducation positive confie ne regretter qu'une seule chose avec ses enfants : "avoir été trop sérieuse".
Donnons libre cours à l'enfant qui est en nous, pour nous reconnecter avec celui qui se tient là devant nous !
Et vous ? Le quotidien avec vos enfants, vous en profitez un peu, beaucoup ou pas du tout ?
Je vous invite à télécharger mon eBook gratuit. Vous y découvrirez les 20 temps-forts de nos semaines de parents : 20 moments essentiels pour nos enfants auxquels être attentifs pour profiter du quotidien. Je l'ai conçu comme un outil qui vous permettra de faire le point sur la façon dont vous vivez ces moments-là dans votre famille. Vous pourrez calculer votre score et découvrir vos résultats ;-)
L’auteure : Je suis Céline Syritellis, coach parental. J'ai créé Paizi pour aider les parents à résoudre les petits et grands problèmes du quotidien avec les enfants, pour profiter du quotidien et (re)trouver le bonheur simple des moments partagés avec les enfants.
Je leur propose des solutions personnalisées pour gérer sereinement les crises et les oppositions mais aussi l’organisation pratique d’un quotidien avec de jeunes enfants.
Crédit Photo : Céline Syritellis / Paizi